Un voyage en Guadeloupe, dans le sillage de la Route du Rhum
Tous les 4 ans, la Guadeloupe vit au gré des arrivées des marins revenus de l’autre côté de l’Atlantique; des femmes et des hommes partis dans la fraîcheur de Saint-Malo, en Bretagne, qui bravent seuls des vagues gigantesques sur des bateaux au confort précaire. C’est une véritable épreuve sportive face à l’immensité de l’Océan, récompensée à l’arrivée par le traditionnel Ti Punch (cocktail à base de rhum), mais aussi par l’accueil et les sourires des habitants et touristes admiratifs, le tout sous le soleil éclatant de cet archipel français des Antilles connu pour ses plages de rêve, sa culture créole, ses forêts tropicales et ses volcans…
Au départ, la Route du Rhum fut imaginée pour relancer, de manière sportive et originale, la filière du rhum guadeloupéen, produit sur l’archipel grâce à la canne à sucre qui y pousse depuis la colonisation française au 17e siècle. L’idée est venue de deux businessmen, l’un issu du négoce du rhum et l’autre passionné de voile; Bernard Hass et Florent de Kersauson (frère d’Olivier de Kersauson) s’étaient connus à l’université. La première édition eut lieu en 1978 et, à l’époque, les copains étaient loin d’imaginer que leur course en solitaire transatlantique, qui suit le tracé de la Route du Rhum commerciale historique, allait devenir mythique, attirant tant les pros de la voile que les amateurs, qui concourent ensemble.
Pour l’édition 2018, qui célèbre le 40e anniversaire de la course, j’étais en Guadeloupe pour accueillir Jonas Gerckens. A mes côtés, dans la marina de Point-à-Pitre/Gosier où arrivent les bateaux, des Guadeloupéens, les familles des marins et de nombreux touristes, attirés par l’événement, étaient au rendez-vous tout le mois de novembre pour assister au retour des héros.
A la rencontre des aventuriers des mers
Quand ils débarquent en Guadeloupe, les marins de la Route du Rhum ont passé entre 5 et 30 jours seuls, en pleine mer, avec un confort limité: leur lit se résume souvent à une simple couchette semi-rigide, leurs repas sont lyophilisés, pas de douche à bord et quasiment pas de contact avec la terre durant la traversée. Imaginez, du coup, leur joie quand ils posent pied à terre, acclamés par la foule au son du zouk, l’emblématique musique locale. Un moment magique également pour les curieux car les skippers, très accessibles, prennent le temps de discuter avec leurs fans du jour et parfois même les invitent à visiter leur bateau.
C’est donc en attendant Jonas (photo), et au départ de la marina de la ville de Gosier (partagée avec Point-à-Pitre, la capitale), que j’ai découvert la Guadeloupe. Ce port est situé au Sud de Grande-Terre qui, avec Basse-Terre, sont les deux plus grandes des 5 îles de l’archipel, qui compte bien d’autres îlots. Ces deux îles principales forment, sur la carte, les deux ailes d’un papillon, séparées l’une de l’autre par un bras de mer d’à peine 200 mètres de large qu’on traverse par des ponts.
La marina de Gosier, où arrivent les bateaux de la Route du Rhum
La Marina de Gosier, à elle seule, vaut le détour. On y visite le plus grand aquarium des Caraïbes, on y flâne et on y prend un verre face aux bateaux et à l’eau turquoise, dans une ambiance locale. Ma première rencontre n’y fut pas avec des skippers revenus du large, mais avec 3 impressionnants pélicans bruns, de 2 mètres d’envergure, plongeant à la verticale pour y chasser le poisson avec leur énorme bec. Un spectacle dans le spectacle, dans ce décor exotique où tout est beau, et qui se fait encore plus grandiose avec l’arrivée des navires parfois géants de la Route du Rhum, qui apparaissent soudainement sur la ligne d’horizon. Des «Ultimes», ces trimarans de 60 pieds (18 mètres) et plus, côtoient des plus petites catégories comme les Imocas (bateaux du Vendée Globe) ou encore les Class40 (12 mètres). Des merveilles de technologie.
Dans la forêt tropicale du Parc National
Ce qui est extraordinaire, en Guadeloupe, c’est la possibilité de changer totalement de décor en moins d’une heure de route. Direction Basse-Terre qui, malgré son nom, est la plus montagneuse des deux îles qui forment le «papillon». Je quitte donc la mer pour m’enfoncer au cœur des terres, en direction du Parc National de Guadeloupe. Il s’agit de la plus grande forêt primaire des Antilles, couverte de végétation tropicale où coulent les Chutes de Carbet; le tout dominé par les 1467 mètres du volcan de la Soufrière. En voiture, on peut suivre la Route de la Traversée (D23), la seule à parcourir de bout en bout l’impressionnant massif forestier de Basse-Terre, en permettant des pauses dans divers sites, comme à la Maison de la Forêt, point de départ de 300 kilomètres de sentiers de randonnée. Quel que soit l’arrêt, on se sent ressourcé. Les lieux sont magnifiques à parcourir, à admirer, mais aussi à «écouter». J’ai pris le temps de savourer le bruit des cascades, des ruisseaux, des oiseaux, du vent dans les immenses feuilles et du balancement des lianes dans les arbres. Un délice.
La réserve du Commandant Cousteau
Le Parc National de Guadeloupe gère également la Réserve Naturelle de Grand Cul-de-Sac Marin. Avec la Réserve Cousteau, autour des îlets Pigeon, c’est l’un des lieux magiques (et accessibles à tous) pour découvrir la richesse des fonds marins de l’archipel. La Réserve Cousteau, qui englobe 1000 hectares où vivent coraux et poissons exotiques, porte le nom du célèbre océanologue, qui y a tourné, en 1955, plusieurs scènes de son film «Le Monde du Silence». Fasciné par la biodiversité des lieux, il incita les autorités locales à les sauvegarder.
De nos jours, on visite la réserve en plongée, mais aussi en snorkeling (plongée de surface, sans bombonne, mais avec palmes, masque et tuba). C’est le choix que j’ai fait et, pour cela, rendez-vous à la plage de Malendure, en face des îlets Pigeon. En louant sur place le matériel complet (5 euros pour le kit), je n’ai dû parcourir que quelques mètres à la nage avant de tomber nez à nez avec une tortue débonnaire qui dansait dans l’eau turquoise à 26°c. Elle m’a acceptée durant plusieurs minutes avant de reprendre le large. Un magnifique moment à partager entre amis, en amoureux ou en famille. Pour retourner à la plage, j’ai pris un autre chemin. En longeant les côtes, je me suis retrouvée immergée dans un véritable aquarium géant, entourée des poissons multicolores évoluant à moins d’1 mètre de profondeur. Cette sortie aquatique m’a ouvert l’appétit. Excuse parfaite pour déguster les célèbres acras (petits beignets salés à base de morue) à l’ombre d’un palmier.
Le soleil est déjà en train de disparaitre à l’horizon… Il est temps de reprendre la route vers la Marina du Gosier. Cela tombe bien, des skippers arrivent dans la chaleur de la nuit guadeloupéenne. Des lampions multicolores s’allument sur les quais, les pélicans bruns sont endormis, alors que les bars à rhum ouvrent leurs portes. La soirée s’annonce belle.
Plus d’infos sur les îles de la Guadeloupe
Delphine Simon
Le skipper français Jean-Baptiste Daramy (Class40) et sa famille.